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Architecture néo-classique en France : le pavillon de musique de Louveciennes

7 Août 2013 , Rédigé par Michael Mendes Publié dans #architecture néo-classique, #louveciennes, #Ledoux, #pavillons

Vue d'ensemble du domaine

Vue d'ensemble du domaine

Le pavillon de musique de la Du Barry à Louveciennes

Je vais évoquer ici l'une des œuvres majeures du néo-classicisme en France, due à l'architecte Ledoux, qui reçoit alors sa première commande royale. Madame Du Barry, favorite de Louis XV à la fin de son règne, le choisit pour la réalisation du pavillon de musique de son domaine qu'elle a récemment bénéficié à Louveciennes, en 1770.

Elle hérita alors d'une propriété créée à l'origine pour le gouverneur de la Machine de Marly (la pompe servant à l'origine à approvisionner en eau les jardins de Versailles), Arnold de Ville[1]. Le pavillon de musique devait servir comme nouveaux espaces de réception. Un château plus vaste et digne du rang de la comtesse était prévu par la suite, en incorporant cet édifice au projet, mais le chantier s'arrêta à la mort du roi en 1774; il ne reste pas d'autres vestiges (si ce n'est le pavillon de musique bâti auparavant).

[1] Voir Collectif, Le patrimoine des communes des Yvelines, Paris, Flohic éditions, 2000, p.438

Vue rapprochée du pavillon de musique.

Vue rapprochée du pavillon de musique.

La construction est implanté à flanc de falaise, dominant la Seine de 180 degrés. Il faut l'imaginer sans un attique au dessus, rajouté dans les années 1930[1]; elle se composait à l'origine d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'une mezzanine (étage secondaire situé en dessous de la corniche) ne donnant à l'extérieur sur les deux côtés latéraux, les autres percements étant remplacés par des tables à l'antique. Elle témoigne d'une maîtrise des codes de l'architecture classique française, réinterprétés dans le sens du néo-classicisme et d'une certaine sobriété. Cela se perçoit dans les bossages employés aux extrémités des trois façades donnant sur le parc, qui s'élèvent sur toute leur hauteur initiale. Une balustrade à l'italienne surmonte l'ensemble. Un ordre ionique, plus noble, est utilisé pour l'entrée et l'axe central du pavillon; l'ambigüité sur l'existence de la mezzanine sur la façade principale, empêche de considérer qu'il s'agit d'un ordre colossal (peu indiqué aux normes de l'architecture classique) même s'il peut y paraître. Ces colonnades et l'implantation de l'édifice évoquent les villas italiennes, voire palladiennes. La construction présente un aspect monumental sans pour autant quitter l'échelle du pavillon.

[1] Le pavillon, qui menaçait ruine à cette époque, a été reconstruit quinze mètres plus en amont de la falaise, ce fait est indiqué sur le pavillon lui-même.

Le palais (élévations et plan) projeté par Ledoux en 1773 (en gris, la partie conservée du pavillon de musique).Le palais (élévations et plan) projeté par Ledoux en 1773 (en gris, la partie conservée du pavillon de musique).

Le palais (élévations et plan) projeté par Ledoux en 1773 (en gris, la partie conservée du pavillon de musique).

Avec la succession de colonnades, et en affirmant le caractère monumental de l'ordre, le projet du palais répond davantage à la typologie de cet ordre d'édifice. La lisibilité de la destination du bâtiment de par l'architecture et le plan est l'une des caractéristiques de l'architecture néo-classique.

Plans, coupe, élévation du pavillon et l'entrée de celui-ci.
Plans, coupe, élévation du pavillon et l'entrée de celui-ci.Plans, coupe, élévation du pavillon et l'entrée de celui-ci.

Plans, coupe, élévation du pavillon et l'entrée de celui-ci.

La transition de l'entrée s'effectue par une exèdre couronnée d'une demi-coupole dissimulée derrière l'entablement et la corniche. L'ornementation se concentre sur la frise avec ses angelots, sculptés par Lecomte, et l'intrados de la coupole, avec ses médaillons à motifs floraux. Les encadrements sont sobres et géométriques au possible. Cet entredeux prépare à l'échelle de l'intérieur, qui est plus intime.

Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.
Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.

Les intérieurs du pavillon : la salle à manger et les salons de réception.

Celui-ci se compose de quatre pièces : la plus fastueuse, qui donne sur l'entrée, est la salle à manger, décorée de marbre et de dorures ; les dessins au plafond des exèdres suggèrent des demi-coupoles mais sont plats. Un trompe l'œil surmonte l'espace. Il se veut donc le plus spacieux en volume; des miroirs amplifient l'espace. L'entablement est supprimé, contre les règles précédemment préconisées, pour donner encore davantage d'ampleur à la pièce. Le grand salon, placé en enfilade avec la salle à manger, sur l'axe, est complété par deux petits salons de part et d'autre. Ses lambris se décomposent en deux registres et trois niveaux : le soubassement, et les panneaux centraux sont rythmés par des compositions naturalistes tout en hauteur; ceux du couronnement représentent l'allégorie de la corne d'abondance. Le salon ovale est aussi formé par trois niveaux, et deux registres, les panneaux centraux représentant Les Progrès de l'Amour dans le cœur des Jeunes Filles, peintures à l'origine de Fragonard mais remplacées peu de temps après; le couronnement figure des angelots allégoriques. Des éléments naturalistes couvrent l'entablement et en partie les cannelures des pilastres, marquant l'influence grandissante de la nature dans le néo-classicisme.

Les jardins du domaine.Les jardins du domaine.
Les jardins du domaine.Les jardins du domaine.

Les jardins du domaine.

Les jardins, avec le parterre marquant l'axe principal, les autres allées sinueuses, les différentes fabriques, témoignent de la transition entre le jardin à la française classique et celui néo-classique plus d'inspiration anglaise.

Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..
Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..

Article et plans abordant l'entrée du domaine, publiés dans l'Architecte de janvier 1908 ainsi que quelques images..

Des travaux ont été réalisés dans le domaine après le XVIIIème siècle. Les plus importants concernent une entrée réalisée dans un goût rocaille par Goury en 1898, et publiés dans l'Architecte en 1907. Le projet consistait à valoriser une perspective secondaire et à rendre monumentale l'entrée du château. Le jeu des arcades et des terrasses atteint certes son objectif, mais sans l'économie de moyens ni l'esprit du pavillon de musique.

Le domaine a été depuis divisé en lots. La distance séparant cette entrée au pavillon de musique est de 630 mètres, donnant une idée de son amplitude d'origine...

Sources :

- Plans, élévations et coupes du pavillon et du projet de palais : Ledoux, L'architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation, Paris, 1804, p.328-333 (disponible sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5401411f/f586.image.r=louveciennes.langFR)

- Plans, photographies anciennes de l'entrée du domaine : Anonyme, " Entrée du château du Barry, à Louveciennes (Seine-et-Oise) - GOURY, architecte", L'architecte, janvier 1907, p.11 (tiré de http://portaildocumentaire.citechaillot.fr/ClientBookline/toolkit/p_requests/formulaire.asp?GRILLE=CARHNUMEROSNUMERISESMULTI&INSTANCE=incipio&OUTPUT=PORTAL&SYNCMENU=BASE_REVUE_NUMERISEE)

- Photographies : de source personnelle, excepté celle de l'intérieur de la salle à manger (http://www.idf-film.com/fr/decors/rechercher-un-decors/+decor_680/)

- Sur l'édifice, plus de détails dans De Cayeux, "Le pavillon de Madame du Barry à Louveciennes et son architecte C-N. Ledoux", Revue de l'Art Ancien et Moderne, mai et juin 1935.

Vue depuis le pavillon de musique, vers la Seine.
Vue depuis le pavillon de musique, vers la Seine.

Vue depuis le pavillon de musique, vers la Seine.

En prime, voici la belle vue qu'il est possible de jouir depuis le pavillon sur l'agglomération parisienne.

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