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Patrimonialisation et monuments historiques au Brésil

2 Avril 2013 , Rédigé par Michael Mendes Publié dans #Brésil, #patrimoine, #architecture baroque, #modernisme, #architecture coloniale

Comme prévu, je débute la série d'article sur les monuments historiques brésiliens et le processus de patrimonialisation qui y a eu lieu. Comme dans la majorité des pays d'Amérique Latine, il a eu lieu tardivement, et dans un contexte alors bien particulier.

 

Un important patrimoine presque ignoré jusqu'en 1930

Durant la Belle Epoque, la prise de conscience patrimoniale au sens architectural au Brésil n’existait pas réellement, et l’image des indiens dominait dans l’imaginaire national (les œuvres littéraires comme O Guarani de José de Alencar). L'éclectisme et notamment l'influence Beaux-Arts prédominait dans le goût architectural en vigueur, et ce qui subsistait de l'occupation coloniale antérieure était ignoré. Ainsi le centre-ville ancien de Rio de Janeiro, le Morro do Castelo, sera arasé malgré les importants vestiges qu'il présente (notamment les églises). On peut en dire de même pour le centre ville de Sao Paulo, où il est difficile de retrouver actuellement des constructions civiles datant de la période coloniale.

Le Morro do Castelo, partie la plus ancienne de la ville de Rio de Janeiro, arasé en 1920 pour l’exposition universelle (tableau de Meirelles et photographie d'époque).Le Morro do Castelo, partie la plus ancienne de la ville de Rio de Janeiro, arasé en 1920 pour l’exposition universelle (tableau de Meirelles et photographie d'époque).

Le Morro do Castelo, partie la plus ancienne de la ville de Rio de Janeiro, arasé en 1920 pour l’exposition universelle (tableau de Meirelles et photographie d'époque).

Ce n’est qu’à partir des années 1910 où un changement s’opère avec Ricardo Severo et le mouvement nationaliste du « néo-colonialisme ». Ce théoricien et architecte d’origine portugaise considère notamment que l’art brésilien résulte de l’influence des colonisateurs portugais à l’époque baroque. Il s’oppose alors à l’éclectisme régnant à l’époque. Des recherches d’archives et des relevés commencent ainsi à être pratiqués pour connaitre les caractéristiques artistiques de cette période. Malgré sa nationalité, sa thèse sera très suivie par des intellectuels (et aussi des architectes, comme on le verra plus loin).

Une maison construite par Ricardo Severo, rua Tagua, à Sao Paulo.

Une maison construite par Ricardo Severo, rua Tagua, à Sao Paulo.

Relevé d’éléments isolés caractéristiques de l’architecture coloniale effectué par Ricardo Severo.

Relevé d’éléments isolés caractéristiques de l’architecture coloniale effectué par Ricardo Severo.

Relevés et inventaire de corniches et chapiteaux coloniaux de la ville de Montes Claros effectués par l’architecte Wasth Rodrigues suivant le modèle de Severo, pouvant constituer des modèles architecturaux.

Relevés et inventaire de corniches et chapiteaux coloniaux de la ville de Montes Claros effectués par l’architecte Wasth Rodrigues suivant le modèle de Severo, pouvant constituer des modèles architecturaux.

Relevés et dessins réalisés par des étudiants en architecture dans le cadre de voyages organisés au Minas Gerais par le professeur et architecte Alexandre Albuquerque. Source des relevés : http://www.usp.br/cpc/v1/php/wf07_revista_interna.php?id_revista=2&id_conteudo=8&tipo=5

Relevés et dessins réalisés par des étudiants en architecture dans le cadre de voyages organisés au Minas Gerais par le professeur et architecte Alexandre Albuquerque. Source des relevés : http://www.usp.br/cpc/v1/php/wf07_revista_interna.php?id_revista=2&id_conteudo=8&tipo=5

Un petit nombre de ces intellectuels en arrive à la conclusion qu’il est nécessaire de préserver ces témoignages artistiques et architecturaux. Ainsi Wanderley Pinho fonde dès 1927 l’Inspection Régionale des Monuments Nationaux de l’Etat de Bahia (« Inspetoria Estadual de Monumentos Nacionais de Bahia ») chargée de réaliser l’inventaire du patrimoine colonial au sein de cette région. Celui du Pernambuco sera établi l’année suivante. Mais ces instances n’ont aucune possibilité de classification. En effet, la volonté de ne pas mettre de restrictions sur le droit de propriété prévaut durant la Première République brésilienne (1889-1930), ce qui empêche une intervention sérieuse ou les procédures nécessaires, et tend à avorter les propositions de loi établissant un organisme national de protection et de classification des monuments historiques. Cela conduira à certaines démolitions regrettables pour la suite.

L’ancienne cathédrale de Salvador de Bahia (Sé Primacial), l’une des plus anciennes églises brésiliennes, détruite en 1928 malgré l’existence de l’Inspection Régionale des Monuments Nationaux de l’Etat de Bahia, pour la construction d’une gare de tramways.

L’ancienne cathédrale de Salvador de Bahia (Sé Primacial), l’une des plus anciennes églises brésiliennes, détruite en 1928 malgré l’existence de l’Inspection Régionale des Monuments Nationaux de l’Etat de Bahia, pour la construction d’une gare de tramways.

La mise en place des institutions de protection par le gouvernement Vargas

Cependant, en 1930, une révolution porta Getulio Vargas au pouvoir. Un régime centralisé tendant progressivement vers un certain autoritarisme va se mettre en place. Cela se substitue au fédéralisme assumé de la Première République, qui comportait des partis régionaux. Pour imposer une centralisation politique et marquer un certain nationalisme, des signes concrets d’identité culturelle vont être recherchés. L’une des options va se porter vers la recherche d’un patrimoine reflétant l’histoire officielle de la nation, d’où la création rapide d’organismes de protection des monuments historiques.

En 1933 (promulguée l’année suivante), l’Inspection des Monuments Nationaux (« Inspetoria de Monumentos Nacionais ») est créée, dépendant du musée Historique National. En novembre 1937, un décret promulgué par le président Vargas met officiellement en place l’organe assurant la protection des monuments historiques, le Service du Patrimoine Historique et Artistique National (SPHAN), qui sera à la base de l’institution actuelle de la protection du patrimoine culturel, l’Institut du Patrimoine Historique et Artistique National (IPHAN, créé en 1970, séparé en deux organes respectivement nominatifs et exécutifs en 1979, rassemblés en 1990 et renommé ainsi en 1994).

Rodrigo Melo Franco de Andrade, journaliste, sera à l’origine de cette institution et la dirigera durant 30 ans, sur conseil de Mario de Andrade, écrivain et artiste moderniste important à l’époque. Des architectes ayant reçu une formation sont intégrés dans cet organisme, Lucio Costa en étant le représentant et théoricien le plus influant. Les personnes en formant part appartenaient en majorité au mouvement moderniste et nationaliste brésilien. Recherchant une expression propre de la brésilianité à travers les nouvelles voies artistiques, ils recherchent les traces d’une expression nationale dans le passé pouvant valoriser leur travail.

Le patrimoine est défini par l’institution comme suit : « Le patrimoine historique et artistique national comprend tous les biens meubles et immeubles existant dans le pays dont la conservation présente un intérêt public, soit parce qu’ils sont liés à des événements marquants de l’histoire du Brésil, soit en raison de leur valeur archéologique, ethnographique, bibliographique, ou artistique exceptionnelle. ». Dans ce dernier cas, les biens inscrits sont incorporés selon leur catégorie, à des livres de « tombo », d’inventaire, dans lesquels sont inscrits les éléments.

On peut comparer la citation et les remarques qui précèdent à certaines constatations de Choay dans L’allégorie du Patrimoine concernant la formation de la notion de monument historique en France, plus particulièrement dans le Rapport au Roi de Guizot: « En revanche, dès la première ligne du rapport, « le sol de la France » est symbolisé par ses monuments. Paradoxalement, pour Guizot, comme pour la plupart des historiens de son temps, les édifices anciens ne contribuent plus à fonder un savoir, celui que construit leur discipline, mais à l’illustrer et à servir ainsi un sentiment, le sentiment national. ». Les mêmes considérations se retrouvent à presque un siècle d’écart entre la formation des institutions dans des pays différents.

La création de la symbolique du "Barroco Mineiro"

En 1933, la ville d’Ouro Preto sera la première ville (et le premier élément) classée « monument national ».

La ville d’Ouro Preto (ici à la fin du XIXème siècle), qu’il fallait, pour le conte de Afonso Celso (président de l’Institut Historique et Géographique du Brésil dans les années 1920), protéger “dans le sens de sauver de la ruine (ses) édifices historiques [...], rattachés à l’épisode de l’Inconfidencia Mineira”.

La ville d’Ouro Preto (ici à la fin du XIXème siècle), qu’il fallait, pour le conte de Afonso Celso (président de l’Institut Historique et Géographique du Brésil dans les années 1920), protéger “dans le sens de sauver de la ruine (ses) édifices historiques [...], rattachés à l’épisode de l’Inconfidencia Mineira”.

Par ailleurs, l’Etat fédéral du Minas Gerais a fini à une certaine époque par concentrer 70 % des édifices classés, « tombados » (en 1982, selon une étude sur la matérialisation de la nation à travers le patrimoine de Braga de Silva, p.76). Ce choix n’est pas du au hasard. Ricardo Severo a déjà déterminé une orientation en qualifiant architecturalement les monuments historiques coloniaux de Rio de Janeiro et du Nord de cette ville du XVIIIème siècle comme étant les plus intéressants. La majorité des relevés résultant du mouvement néo-colonialiste furent réalisés dans ces régions. La plupart des artistes et architectes modernistes, ayant été influencés en partie par ses théories voire ayant eux-mêmes voyagés sur place, adhéraient à cela. De plus, la région, et Ouro Preto en particulier, est associée au premier mouvement revendiquant l’indépendance du pays, l’Inconfidencia Mineira, dont ses protagonistes (comme Tiradentes) forment part de l’histoire nationale.

En ce qui concerne l’architecture des débuts de la colonisation des territoires, celle du Minas Gerais possède certaines caractéristiques attrayantes pour des architectes et artistes portés par le mouvement moderniste. L’expressivité de la structure à l’extérieur et ses techniques constructives (en bois, les principaux piliers sont apparents) pour les constructions notamment civiles peut former un écho possible avec la « vérité structurelle » de l’architecture moderniste. Cela se trouve néanmoins dans plusieurs régions brésiliennes (notamment dans celle de Sao Paulo). Il s'agit du système de construction de "taipa de mao".

Patrimonialisation et monuments historiques au Brésil
La Casa da Chica de Silva à Diamantina, un exemple de « sobrado » (maison seigneuriale de ville) construite avec la technique de la « taipa de mao ». Le soubassement correspondant aux fondations et certains poteaux porteurs sont bien visibles de l’extérieur.

La Casa da Chica de Silva à Diamantina, un exemple de « sobrado » (maison seigneuriale de ville) construite avec la technique de la « taipa de mao ». Le soubassement correspondant aux fondations et certains poteaux porteurs sont bien visibles de l’extérieur.

La quantité et qualité, des œuvres artistiques se trouvant à l’intérieur notamment des églises au Minas Gerais à la fin du XVIIème siècle contraste également avec la rigueur du maniérisme et souvent une certaine simplicité retrouvés dans d’autres régions. Les présentations qui vont suivre vont tenter de comparer synthétiquement la production architecturale brésilienne la plus importante, celle ecclésiastique, des régions de Bahia, Pernambuco, Rio de Janeiro avec le Minas Gerais. Les confrontations se jouent notamment sur les plus importantes constructions (et plus particulièrement les églises).

Le couvent da Graça à Olinda (Pernambuco, 1580): un maniérisme réduit aux proportions et à la symbolique du temple romain. L'intérieur se caractérise par une grande simplicité architecturale et décorative, suivant des canons contre-réformistes voire plus anciens.Le couvent da Graça à Olinda (Pernambuco, 1580): un maniérisme réduit aux proportions et à la symbolique du temple romain. L'intérieur se caractérise par une grande simplicité architecturale et décorative, suivant des canons contre-réformistes voire plus anciens.

Le couvent da Graça à Olinda (Pernambuco, 1580): un maniérisme réduit aux proportions et à la symbolique du temple romain. L'intérieur se caractérise par une grande simplicité architecturale et décorative, suivant des canons contre-réformistes voire plus anciens.

Le couvent de Sao Bento à Rio de Janeiro (début XVIIème siècle): une sobre monumentalité générée par le rythme des colonnades de pierre et les clochers.

Le couvent de Sao Bento à Rio de Janeiro (début XVIIème siècle): une sobre monumentalité générée par le rythme des colonnades de pierre et les clochers.

Le couvent de Santa Teresa à Salvador da Bahia (début XVIIème siècle): l’influence de la contre-réforme italienne. A gauche, l'intérieur de l'ancienne église jésuite de Salvador de Bahia (début-milieu XVIIème siècle) forme une réalisation très construite architecturalement de la contre-réforme, diffusant éventuellement des modèles à suivre dans la colonie.Le couvent de Santa Teresa à Salvador da Bahia (début XVIIème siècle): l’influence de la contre-réforme italienne. A gauche, l'intérieur de l'ancienne église jésuite de Salvador de Bahia (début-milieu XVIIème siècle) forme une réalisation très construite architecturalement de la contre-réforme, diffusant éventuellement des modèles à suivre dans la colonie.

Le couvent de Santa Teresa à Salvador da Bahia (début XVIIème siècle): l’influence de la contre-réforme italienne. A gauche, l'intérieur de l'ancienne église jésuite de Salvador de Bahia (début-milieu XVIIème siècle) forme une réalisation très construite architecturalement de la contre-réforme, diffusant éventuellement des modèles à suivre dans la colonie.

Les églises du Minas Gerais vers 1700 (la région n’a commencée à être colonisée qu’à la fin du XVIIème siècle) : la valorisation des proportions dans une simplicité rationnelle, l’exposition des matériaux de constructions rustiques (le bois peint), des terminaisons élégantes (toit des clochers évoquant une influence asiatique, entrée évoquant les formes de l’architecture baroque européenne). A gauche, la paroisse de Bernal, à droite, l’église de Nossa Senhora do O à Sabara. Cette dernière (construite vers 1700) présente une grande richesse décorative (résultant de la richesse des sols de la région) qui dématérialise la trame architecturale en place. Remarquer aussi l’influence asiatique (les panneaux octogonaux imitant des panneaux de laque).Les églises du Minas Gerais vers 1700 (la région n’a commencée à être colonisée qu’à la fin du XVIIème siècle) : la valorisation des proportions dans une simplicité rationnelle, l’exposition des matériaux de constructions rustiques (le bois peint), des terminaisons élégantes (toit des clochers évoquant une influence asiatique, entrée évoquant les formes de l’architecture baroque européenne). A gauche, la paroisse de Bernal, à droite, l’église de Nossa Senhora do O à Sabara. Cette dernière (construite vers 1700) présente une grande richesse décorative (résultant de la richesse des sols de la région) qui dématérialise la trame architecturale en place. Remarquer aussi l’influence asiatique (les panneaux octogonaux imitant des panneaux de laque).
Les églises du Minas Gerais vers 1700 (la région n’a commencée à être colonisée qu’à la fin du XVIIème siècle) : la valorisation des proportions dans une simplicité rationnelle, l’exposition des matériaux de constructions rustiques (le bois peint), des terminaisons élégantes (toit des clochers évoquant une influence asiatique, entrée évoquant les formes de l’architecture baroque européenne). A gauche, la paroisse de Bernal, à droite, l’église de Nossa Senhora do O à Sabara. Cette dernière (construite vers 1700) présente une grande richesse décorative (résultant de la richesse des sols de la région) qui dématérialise la trame architecturale en place. Remarquer aussi l’influence asiatique (les panneaux octogonaux imitant des panneaux de laque).

Les églises du Minas Gerais vers 1700 (la région n’a commencée à être colonisée qu’à la fin du XVIIème siècle) : la valorisation des proportions dans une simplicité rationnelle, l’exposition des matériaux de constructions rustiques (le bois peint), des terminaisons élégantes (toit des clochers évoquant une influence asiatique, entrée évoquant les formes de l’architecture baroque européenne). A gauche, la paroisse de Bernal, à droite, l’église de Nossa Senhora do O à Sabara. Cette dernière (construite vers 1700) présente une grande richesse décorative (résultant de la richesse des sols de la région) qui dématérialise la trame architecturale en place. Remarquer aussi l’influence asiatique (les panneaux octogonaux imitant des panneaux de laque).

Pour l’architecture du XVIIIème siècle, les architectes du Service du Patrimoine Historique et Artistique National tentent de démontrer que l’architecture du Minas Gerais est la plus évoluée, atteignant une apogée (dans l’architecture coloniale) stylistique, celle de la rocaille, au-delà de la simple ornementation. Elle brasserait également le plus d’influences (italiennes, bavaroises…), constituant ainsi une « expression nationale » avant l’heure, justifiant ainsi sa patrimonialisation.

Cependant, la réinterprétation locale de plusieurs influences étrangères suffit-elle à constituer une « architecture nationale » ? Le pays colonisateur, le Portugal, peut s'enorgueillir également de réalisations complexes dans ce style, comme le suggère l'église de Falperra entre autres (de André Soares, réalisée entre 1755 et 1781).

Dans tous les cas, le choix du baroque ou du rocaille, en plus des considérations architecturales et artistiques, correspond aussi à la sélection de styles expressifs concrets capables d’interpeler une partie considérable, même les couches populaires, de la population.

La démonstration débute au niveau des façades des édifices les plus imposants (ici de nouveau des églises).

L’église da Palma à Salvador de Bahia (1761) : une transition entre le style rocaille et le néo-classicisme, typique de Bahia de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

L’église da Palma à Salvador de Bahia (1761) : une transition entre le style rocaille et le néo-classicisme, typique de Bahia de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

L’église do Carmo à Recife (Pernambouc, 1767) : le style rocaille s’y exprime uniquement par une décoration exubérante.

L’église do Carmo à Recife (Pernambouc, 1767) : le style rocaille s’y exprime uniquement par une décoration exubérante.

L’église da Gloria et l’église de Sao Francisco da Paula à Rio de Janeiro (XVIIIème siècle) : une conception architecturale suivant directement les influences italiennes et portugaises.L’église da Gloria et l’église de Sao Francisco da Paula à Rio de Janeiro (XVIIIème siècle) : une conception architecturale suivant directement les influences italiennes et portugaises.

L’église da Gloria et l’église de Sao Francisco da Paula à Rio de Janeiro (XVIIIème siècle) : une conception architecturale suivant directement les influences italiennes et portugaises.

L’église de Santa Ifigenia à Ouro Preto (à gauche, 1733-1785) : l’influence des codes architecturaux italiens. Au centre, celle de Sao Francisco à Ouro Preto (1766-1794) : dynamisme de la façade et influences borrominiennes et bavaroises. A droite, celle du Rosario à Ouro Preto : l’expression de l’extérieur du plan baroque de l’église.L’église de Santa Ifigenia à Ouro Preto (à gauche, 1733-1785) : l’influence des codes architecturaux italiens. Au centre, celle de Sao Francisco à Ouro Preto (1766-1794) : dynamisme de la façade et influences borrominiennes et bavaroises. A droite, celle du Rosario à Ouro Preto : l’expression de l’extérieur du plan baroque de l’église.L’église de Santa Ifigenia à Ouro Preto (à gauche, 1733-1785) : l’influence des codes architecturaux italiens. Au centre, celle de Sao Francisco à Ouro Preto (1766-1794) : dynamisme de la façade et influences borrominiennes et bavaroises. A droite, celle du Rosario à Ouro Preto : l’expression de l’extérieur du plan baroque de l’église.

L’église de Santa Ifigenia à Ouro Preto (à gauche, 1733-1785) : l’influence des codes architecturaux italiens. Au centre, celle de Sao Francisco à Ouro Preto (1766-1794) : dynamisme de la façade et influences borrominiennes et bavaroises. A droite, celle du Rosario à Ouro Preto : l’expression de l’extérieur du plan baroque de l’église.

L'aboutissement que représenterait le "barroco mineiro" peut aussi se souligner via les plans de certains de ces édifices.

Patrimonialisation et monuments historiques au Brésil

Leurs intérieurs confirment cette impression.

L’église da Palma à Salvador de Bahia (1761) : une transition entre le style rocaille et le néo-classicisme, typique de Bahia de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

L’église da Palma à Salvador de Bahia (1761) : une transition entre le style rocaille et le néo-classicisme, typique de Bahia de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

L’église dos Militares à Recife (1740-1780 (décoration)) : une trame architecturée sur laquelle se greffe une ornementation abondante permettant de dématérialiser l'intérieur.

L’église dos Militares à Recife (1740-1780 (décoration)) : une trame architecturée sur laquelle se greffe une ornementation abondante permettant de dématérialiser l'intérieur.

L’église do Carmo à Rio de Janeiro (1785 (décoration)) : une décoration rocaille dont l’influence italienne est matérialisée par les médaillons.

L’église do Carmo à Rio de Janeiro (1785 (décoration)) : une décoration rocaille dont l’influence italienne est matérialisée par les médaillons.

En haut à gauche, l’église do Pilar à Ouro Preto (1731-1759) : une décoration exubérante s’intégrant dans une trame architecturale italianisante. Les trois autres intérieurs d' églises, Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794),Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789), do Carmo de Sabara (narthex de 1781-1783), œuvres de Antonio Francisco Lisboa marquent une dématérialisation architecturale et les influences borrominiennes et bavaroises.En haut à gauche, l’église do Pilar à Ouro Preto (1731-1759) : une décoration exubérante s’intégrant dans une trame architecturale italianisante. Les trois autres intérieurs d' églises, Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794),Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789), do Carmo de Sabara (narthex de 1781-1783), œuvres de Antonio Francisco Lisboa marquent une dématérialisation architecturale et les influences borrominiennes et bavaroises.
En haut à gauche, l’église do Pilar à Ouro Preto (1731-1759) : une décoration exubérante s’intégrant dans une trame architecturale italianisante. Les trois autres intérieurs d' églises, Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794),Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789), do Carmo de Sabara (narthex de 1781-1783), œuvres de Antonio Francisco Lisboa marquent une dématérialisation architecturale et les influences borrominiennes et bavaroises.En haut à gauche, l’église do Pilar à Ouro Preto (1731-1759) : une décoration exubérante s’intégrant dans une trame architecturale italianisante. Les trois autres intérieurs d' églises, Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794),Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789), do Carmo de Sabara (narthex de 1781-1783), œuvres de Antonio Francisco Lisboa marquent une dématérialisation architecturale et les influences borrominiennes et bavaroises.

En haut à gauche, l’église do Pilar à Ouro Preto (1731-1759) : une décoration exubérante s’intégrant dans une trame architecturale italianisante. Les trois autres intérieurs d' églises, Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794),Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789), do Carmo de Sabara (narthex de 1781-1783), œuvres de Antonio Francisco Lisboa marquent une dématérialisation architecturale et les influences borrominiennes et bavaroises.

L'artiste qui sera désigné comme emblème de cet apogée sera l'Aleijadinho, ou Antonio Francisco Lisboa. Comme cela vient d’être montré par certains plans des églises qu’il a réalisées, ce sculpteur et architecte est intimement lié à l’apogée du « barroco mineiro ». De plus, le manque d’études réalisé sur son œuvre a encouragé des recherches par les modernistes alors admirateurs de son œuvre : la seule étude qui lui ait alors été consacrée depuis son décès fut réalisée en 1868. Par ailleurs, son histoire personnelle répond aussi aux critères de la brésilianité, notamment son caractère métissé (fils d’un architecte portugais et d’une esclave), et les valeurs qu’il porte (notamment la persévérance dans le travail (de sculpteur et d’architecte), qu’il poursuit malgré une maladie dégénérescente de certains membres, dont les mains).

Un portrait supposé de l’artiste, montrant son infirmité.

Un portrait supposé de l’artiste, montrant son infirmité.

Ses principales œuvres architecturales : les églises de Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794), et de Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789).Ses principales œuvres architecturales : les églises de Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794), et de Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789).

Ses principales œuvres architecturales : les églises de Sao Francisco d’Ouro Preto (1766-1794), et de Sao Francisco de Sao Joao del Rei (1774-1789).

Son chef d’œuvre : le « ballet des prophètes » du sanctuaire de Congonhas do Campo (1800-1805), des sculptures installées suivant une scénographie baroque et inspirées par des gravures florentines.
Son chef d’œuvre : le « ballet des prophètes » du sanctuaire de Congonhas do Campo (1800-1805), des sculptures installées suivant une scénographie baroque et inspirées par des gravures florentines.

Son chef d’œuvre : le « ballet des prophètes » du sanctuaire de Congonhas do Campo (1800-1805), des sculptures installées suivant une scénographie baroque et inspirées par des gravures florentines.

Contribution du processus de patrimonialisation à l'architecture brésilienne d'alors

La prise de conscience du patrimoine lusitanien au Brésil et les relevés puis les études faisant référence aux inventaires réalisés conduisent des architectes à s’inspirer de ses composantes architecturales dans leurs compositions, d’où l’émergence d’une architecture néo-coloniale. Cependant, considérant que la recherche de la brésilianité doit être faite avec des techniques artistiques modernes, les modernistes s’opposent à cette démarche qui leur rappelle les procédés éclectiques. Les architectes appartenant à cette tendance, qui d’ailleurs ont été influencés sur place (le palais Capanema et Le Corbusier), intègrent certains éléments de cette architecture dans une esthétique moderniste. L'architecture locale recherche d'abord l'essence de cette simplicité de l'architecture coloniale, dans une esthétique plus épurée, plus moderne, avec l'affirmation des éléments de confort ou de structure (comme dans la maison Saavedra), puis les composantes directement issues du vocabulaire architectural colonial s'adaptent au langage moderniste (comme dans l'ensemble d'immeubles du parc Guinle).

Un exemple d’architecture néo-coloniale : la Casa da Maioridade construite par Victor Dubugras, qui reprend des frontons, toitures, majoliques, balcons en s’inspirant des caractéristiques de cette période.

Un exemple d’architecture néo-coloniale : la Casa da Maioridade construite par Victor Dubugras, qui reprend des frontons, toitures, majoliques, balcons en s’inspirant des caractéristiques de cette période.

La Casa Saavedra construite par Lucio Costa en 1942 : une tentative de conciliation entre des éléments coloniaux simplifiés et une architecture portant les valeurs du modernisme (Source : http://professor.ucg.br/SiteDocente/admin/arquivosUpload/13798/material/Arquitetura%20Brasileira_Lucio%20Costa.pdf). La Casa Saavedra construite par Lucio Costa en 1942 : une tentative de conciliation entre des éléments coloniaux simplifiés et une architecture portant les valeurs du modernisme (Source : http://professor.ucg.br/SiteDocente/admin/arquivosUpload/13798/material/Arquitetura%20Brasileira_Lucio%20Costa.pdf).

La Casa Saavedra construite par Lucio Costa en 1942 : une tentative de conciliation entre des éléments coloniaux simplifiés et une architecture portant les valeurs du modernisme (Source : http://professor.ucg.br/SiteDocente/admin/arquivosUpload/13798/material/Arquitetura%20Brasileira_Lucio%20Costa.pdf).

L’ensemble Guinle réalisé par Lucio Costa (1943-1954) : l’intégration dans des bâtiments modernistes de réminiscences secondaires coloniales. (Source : http://professor.ucg.br/SiteDocente/admin/arquivosUpload/13798/material/Arquitetura%20Brasileira_Lucio%20Costa.pdf).

L’ensemble Guinle réalisé par Lucio Costa (1943-1954) : l’intégration dans des bâtiments modernistes de réminiscences secondaires coloniales. (Source : http://professor.ucg.br/SiteDocente/admin/arquivosUpload/13798/material/Arquitetura%20Brasileira_Lucio%20Costa.pdf).

Les œuvres les plus représentatives et avancées de ce modernisme brésilien en matière d’architecture finissent elles-mêmes par être classées et inventoriées, ce quelques années après leur construction. L’architecture moderne locale est devenue un marqueur de l’identité culturelle brésilienne, pour marquer une nouvelle étape de l’histoire nationale. C’est une reconnaissance de la démarche de brésilianité menée par certains modernistes.

Le ministère de l’éducation de la santé à Rio de Janeiro (achevé en 1945, inscrit en mars 1948) et l’église Sao Francisco de Pampulha (achevée en 1943, inscrite en décembre 1947), en tant que symboliques de la nouvelle architecture brésilienne qui est en train de se créer, furent rapidement considérés comme faisant part du patrimoine national.Le ministère de l’éducation de la santé à Rio de Janeiro (achevé en 1945, inscrit en mars 1948) et l’église Sao Francisco de Pampulha (achevée en 1943, inscrite en décembre 1947), en tant que symboliques de la nouvelle architecture brésilienne qui est en train de se créer, furent rapidement considérés comme faisant part du patrimoine national.

Le ministère de l’éducation de la santé à Rio de Janeiro (achevé en 1945, inscrit en mars 1948) et l’église Sao Francisco de Pampulha (achevée en 1943, inscrite en décembre 1947), en tant que symboliques de la nouvelle architecture brésilienne qui est en train de se créer, furent rapidement considérés comme faisant part du patrimoine national.

Des patrimoines négligés

La focalisation sur la recherche de l’identité culturelle et le rejet de l’architecture du XIXème siècle en général (Severo qualifiant non seulement l’éclectisme, mais aussi le néo-classicisme comme la « dégénérescence » de l’architecture traditionnelle), a conduit à l’oubli ou au manque d’intérêt concernant certaines architectures. Pourtant certaines d’entre elles étaient considérées comme patrimoniales dans les années 1930 en Europe. C’est le cas du néo-classicisme, qui a été importé par des artistes et architectes français au tout début du XIXème siècle. Même si certaines œuvres représentatives ont été sauvegardées, comme la maison de la marquise de Santos ou celle de l'architecte Grandjean de Montigny, la plus importante d’entre elles, la plus symbolique (pour la diffusion du mouvement), l’Ecole des Beaux Arts de Rio de Janeiro, a disparu depuis 1938; seule une partie de la façade principale a été conservée.

Le siège de l’école des Beaux-Arts de Rio de Janeiro (Grandjean de Montigny, début du XIXème siècle) : un symbole détruit du néo-classicisme dont une partie de la façade a été conservée de manière décontextualisée dans le Jardin Botanique (photographie en bas à droite). En haut, le projet original; en bas, l’école au début du XXème siècle.
Le siège de l’école des Beaux-Arts de Rio de Janeiro (Grandjean de Montigny, début du XIXème siècle) : un symbole détruit du néo-classicisme dont une partie de la façade a été conservée de manière décontextualisée dans le Jardin Botanique (photographie en bas à droite). En haut, le projet original; en bas, l’école au début du XXème siècle.Le siège de l’école des Beaux-Arts de Rio de Janeiro (Grandjean de Montigny, début du XIXème siècle) : un symbole détruit du néo-classicisme dont une partie de la façade a été conservée de manière décontextualisée dans le Jardin Botanique (photographie en bas à droite). En haut, le projet original; en bas, l’école au début du XXème siècle.

Le siège de l’école des Beaux-Arts de Rio de Janeiro (Grandjean de Montigny, début du XIXème siècle) : un symbole détruit du néo-classicisme dont une partie de la façade a été conservée de manière décontextualisée dans le Jardin Botanique (photographie en bas à droite). En haut, le projet original; en bas, l’école au début du XXème siècle.

Certaines régions éloignées, faute de budget disponible, ne furent par ailleurs pas inventoriées de suite, notamment les Etats Fédéraux de Goias et de Ceara qui présentent pourtant une architecture coloniale considérable. Seule la paroisse de Pirenopolis fut classée durant les premières années d’activité du SPHAN, quant au Ceara, le premier édifice classé le fut en 1957.

Le patrimoine immatériel fut par ailleurs négligé pendant longtemps, et ce contre l’avis de certains modernistes (notamment Mario de Andrade), notamment en raison de la difficulté de la dissocier d’une région (le territoire du Brésil étant vaste, et cela allant au contraire de la centralisation initialement prévue). Le programme d’inventaire crée spécifiquement pour les biens immatériels ne fut établi qu’en décembre 2000 (le Registre des Biens Culturels de Nature Immatérielle).

Par ailleurs, suite à la polémique suscitée par la destruction de la ville de Sao Marcos, pourtant classée, pour la création d’un bassin de rétention des eaux d’un barrage, un décret de « destombamento » (déclassification) fut promulgué par le président Vargas en novembre 1941, affaiblissant considérablement la protection des monuments historiques. Il stipule : « Le président de la République peut, d’office ou suite à un recours formé par quiconque possède un intérêt légitime, ordonner, pour des motifs d’intérêt public, le déclassement des biens appartenant à l’Union […] inscrits sur les registres (les livres de « tombo ») du Service du Patrimoine Historique et Artistique National ». Ce décret n’est toujours pas abrogé. L'une des œuvres phares du baroque au Brésil, l'église Sao Pedro dos Clerigos, n'y a pas survécu.

Un plan s’exprimant en façade (photographie de Ferrez à gauche), une structure combinant plan centré et croix latine, valorisant la coupole et l’autel principal (gravure au centre), l’expression architecturale en pans de murs courbes, voici les principales caractéristiques de cette église de José Cardoso Ramalho souvent considérée comme la plus italianisante des églises coloniales brésiliennes. La percée de l’avenida Presidente Vargas en 1942-1944 a entrainé l’application d’un décret de « destombamento » pour « intérêt public » et sa démolition.
Un plan s’exprimant en façade (photographie de Ferrez à gauche), une structure combinant plan centré et croix latine, valorisant la coupole et l’autel principal (gravure au centre), l’expression architecturale en pans de murs courbes, voici les principales caractéristiques de cette église de José Cardoso Ramalho souvent considérée comme la plus italianisante des églises coloniales brésiliennes. La percée de l’avenida Presidente Vargas en 1942-1944 a entrainé l’application d’un décret de « destombamento » pour « intérêt public » et sa démolition.Un plan s’exprimant en façade (photographie de Ferrez à gauche), une structure combinant plan centré et croix latine, valorisant la coupole et l’autel principal (gravure au centre), l’expression architecturale en pans de murs courbes, voici les principales caractéristiques de cette église de José Cardoso Ramalho souvent considérée comme la plus italianisante des églises coloniales brésiliennes. La percée de l’avenida Presidente Vargas en 1942-1944 a entrainé l’application d’un décret de « destombamento » pour « intérêt public » et sa démolition.

Un plan s’exprimant en façade (photographie de Ferrez à gauche), une structure combinant plan centré et croix latine, valorisant la coupole et l’autel principal (gravure au centre), l’expression architecturale en pans de murs courbes, voici les principales caractéristiques de cette église de José Cardoso Ramalho souvent considérée comme la plus italianisante des églises coloniales brésiliennes. La percée de l’avenida Presidente Vargas en 1942-1944 a entrainé l’application d’un décret de « destombamento » pour « intérêt public » et sa démolition.

Malgré les progrès concernant la prise en compte du patrimoine, et notamment en ce qui concerne l’éclectisme, il subsiste toujours une part de continuité par rapport aux choix d’origine, comme en témoigne la non-abrogation du décret du « destombamento » ou la prédilection pour la classification du patrimoine moderniste, comme le montre le classement récent d’une liste de 35 édifices de Niemeyer dans le cadre de son centenaire.

Bibliographie

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