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Architecture maniériste brésilienne : les engenhos Velho et Garcia d'Avila dans l'Etat de Bahia

29 Septembre 2013 , Rédigé par Michael Mendes Publié dans #Brésil, #architecture coloniale, #architecture maniériste, #engenhos, #chapelles particulières

Vue aérienne de la Torre de Garcia d'Avila. La chapelle correspond à la construction hexagonale blanche (source : https://www.flickr.com/photos/-rafaelmorais-/sets/72157629715347483/with/6489216749/).

Vue aérienne de la Torre de Garcia d'Avila. La chapelle correspond à la construction hexagonale blanche (source : https://www.flickr.com/photos/-rafaelmorais-/sets/72157629715347483/with/6489216749/).

La persistance de la Renaissance dans les débuts de l'architecture brésilienne : l'Engenho Velho et la Torre de Garcia d'Avila dans l'Etat de Bahia

Peu d'édifices subsistent des débuts de la colonisation au Brésil. Une partie d'entre eux ont été remodelés par la suite pour être mis au goût du jour à l'époque baroque, puis restaurés à nouveau dans un état supposé être d'origine avant altération, sans forcément avoir toutes les garanties. C'est le cas par exemple de la paroisse d'Iguarassu ou de la cathédrale d'Olinda (au Pernambouco). Seuls quelques constructions conservent leur aspect originel inaltéré au cours du temps : c'est le cas de certaines fermes sucrières oubliées puis redécouvertes dans l'Etat de Bahia, notamment les engenhos Velho et de Garcia d'Avila.

Façade arrière, cour d'entrée et plan de la Torre de Garcia d'Avila (source de la photographie en couleurs : https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)
Façade arrière, cour d'entrée et plan de la Torre de Garcia d'Avila (source de la photographie en couleurs : https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)Façade arrière, cour d'entrée et plan de la Torre de Garcia d'Avila (source de la photographie en couleurs : https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)

Façade arrière, cour d'entrée et plan de la Torre de Garcia d'Avila (source de la photographie en couleurs : https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)

Une exploitation agricole dans le Minho, avec sa tour médiévale (source : http://www.monumentos.pt/Site/APP_PagesUser/SIPA.aspx?id=3613)

Une exploitation agricole dans le Minho, avec sa tour médiévale (source : http://www.monumentos.pt/Site/APP_PagesUser/SIPA.aspx?id=3613)

Axonométrie du Grand Ferrare à Fontainebleau (source : http://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft0x0n99zf&chunk.id=d0e1713&toc.id=d0e1713&brand=ucpress)

Axonométrie du Grand Ferrare à Fontainebleau (source : http://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft0x0n99zf&chunk.id=d0e1713&toc.id=d0e1713&brand=ucpress)

Les deux bâtiments ont été partiellement abandonnés et seules leurs chapelles particulières ont réellement résisté. L'engenho de Garcia de Avila ou da Torre, de 1550 environ, s'organise selon une typologie en cour d'entrée monumentale et symétrique donnant sur la mer. L'article de Robert C.Smith concernant l'architecture civile coloniale brésilienne analysant synthétiquement cette construction, je résume ici les points et hypothèses principales : la cour principale ouverte sur la mer, principal axe de communication à l'époque; sa contribution aux codes de la future architecture coloniale domestique brésilienne avec l'utilisation de pierres de maçonnerie visibles aux angles, aux arcades et aux fenêtres et la modestie des ornements employés. Il considère que l'architecture de cette réalisation effectue une synthèse entre les domaines féodaux du Minho (Nord du Portugal), généralement surmontés d'une tour, mais également avec les édifices savants de la Renaissance ou du début du maniérisme, notamment par la configuration de la cour et des enfilades. Il voit un rapprochement lointain avec les œuvres de Serlio et notamment le Grand Ferrare de Fontainebleau[1], sans la régularité rythmique des baies par rapport aux entrées et arcades.

[1] Cette résidence particulière, présentant deux ailes symétriques, serait la construction qui inspirerait plus tard la typologie des hôtels particuliers parisiens (voir Castex, Renaissance, baroque et classicisme, Paris, Editions de la Villette, 2004, p.220).

Intérieur de la chapelle de la Torre de Garcia d'Avila (sources : https://www.flickr.com/photos/fabianomarques/tags/fortegarciad%C3%A1vila/ et https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)Intérieur de la chapelle de la Torre de Garcia d'Avila (sources : https://www.flickr.com/photos/fabianomarques/tags/fortegarciad%C3%A1vila/ et https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)

Intérieur de la chapelle de la Torre de Garcia d'Avila (sources : https://www.flickr.com/photos/fabianomarques/tags/fortegarciad%C3%A1vila/ et https://www.flickr.com/photos/turismobahia/sets/72157622796168556/with/4310161050/)

En ce qui concerne la chapelle, qui est curieusement orientée à l'opposé de la cour principale, elle témoigne de la transition entre l'architecture de la Renaissance et celle du maniérisme. Sa sobriété extérieure suit les préceptes propres à l'engenho : seule la porte est surmontée d'un simple entablement. Le plan s'organise autour d'un hexagone sur lequel donnant la capela-mor, le sanctuaire, en forme de demi-cercle. Les deux espaces sont couronnés par des coupoles sphériques ou demi-sphériques, les deux volumes constitués se veulent associés l'un à l'autre. Cela évoque un peu la sacristie ancienne de San Lorenzo construite par Brunelleschi où l'espace de la sacristie proprement dite se veut être projetée par effet de perspective sur la partie formant le sanctuaire de celle-ci[1]. Cependant, le plan polygonal employé et la richesse des ornements architecturaux utilisés à l'intérieur (qui se veulent des rappels de la Renaissance, avec la structure en trompe-l'œil cerclée peinte et la coquille) marquent un éloignement avec les idéaux de cette époque en la matière.

[1] Pour plus de détails sur ce sujet, voir Castex, Renaissance, baroque et classicisme, Paris, Editions de la Villette, 2004, p.50-55

La chapelle particulière de l'ancien Engenho Velho, consacrée à Nossa Senhora da Penha.La chapelle particulière de l'ancien Engenho Velho, consacrée à Nossa Senhora da Penha.
La chapelle particulière de l'ancien Engenho Velho, consacrée à Nossa Senhora da Penha.La chapelle particulière de l'ancien Engenho Velho, consacrée à Nossa Senhora da Penha.

La chapelle particulière de l'ancien Engenho Velho, consacrée à Nossa Senhora da Penha.

Finalement, c'est peut-être une autre chapelle qui suit davantage ces préceptes, bien que plus tardive (car datant de 1660) : il s'agit de celle de l'ancien Engenho Velho, qui donne sur la baie de Tous les Saints. De la ferme elle-même il n'en reste quasiment plus rien, ce qui contraste avec l'état du sanctuaire, bien que mal entretenu. La façade principale est simple mais architecturée, avec ses pilastres d'angle d'ordre toscan, sa porte surmonté d'un fronton, et un clocher-mur, typique de la culture hispanique, qui tend à en faire office pour l'édifice. L'intérieur se compose d'une nef carrée surmontée d'une coupole à pendentifs, comme la capela-mor demi-circulaire. Les murs sont recouverts de panneaux de majolique (ou azulejos), qui valorisent, par contraste avec l'opulence de leur décor du XVIIème siècle d'inspiration indienne, la sobriété de l'ornement architectural (corniches, pilastres...) Une coquille est même simulée par l'alternance d'azulejos dans la capela-mor. Les espaces servants (sacristie...) assoient l'importance du volume consacré au culte. Pour Germain Bazin, "c'est un monument unique au Brésil, dont l'élégance exquise s'apparente encore à l'esprit de la Renaissance".

Les auteurs des deux engenhos sont malheureusement restés anonymes...

Sources :

Robert C.Smith, "Arquitetura civil do periodo colonial", Revista do SPHAN, 1969, n°17, p.36-41 (engenho de Garcia d'Avila, dont le plan), disponible sur http://portal.iphan.gov.br/portal/montarPaginaSecao.do?id=17881&sigla=Institucional&retorno=paginaInstitucional

Germain Bazin, L’architecture religieuse baroque au Brésil, Paris, Plon, 1956, tome I, p.99-100 et tome II, p.14-15 (chapelle de l'engenho Velho, dont la photographie intérieure, pl.19).

Berenstein de Azevedo, Engenhos do Reconcavo Bahiano, Brasília, Iphan / Programa Monumenta, 2009, p.70-71 (notamment l'image en couleurs présentant la façade principale de la chapelle de l'engenho Velho)

Silva Santos, O espaço de rezar, Salvador de Bahia, Faculdade de Arquitetura da Universidade Federal da Bahia, 2006, p.122-123 (image et plan issus de l'IPAC)

Les auteurs des différentes photographies sont spécifiées avec celles-ci.

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