Architecture classique parisienne : l'hôtel de Beauvais

La façade donnant sur la rue François Miron de l'hôtel de Beauvais.

L'hôtel de Beauvais, actuelle cour administrative d'appel de Paris

Parmi les hôtels importants du point de vue architectural du Marais, l'hôtel de Beauvais en est l'un des plus réputés. Il fut commandé par Catherine Bellier, Madame de Beauvais, qui a servi pour la famille royale au milieu du XVIIème siècle, et construit par l'architecte (du Roi), Le Pautre, entre 1655 et 1658. Sa renommée tient notamment à deux caractéristiques : la réutilisation de fondations déjà existantes et l'exploitation d'une parcelle à la forme très irrégulière.

Cette demeure, située au 62 rue François Biron, a été référencée dans l'ouvrage L'architecture Française de Blondel, qui fait partie des recueils importants évoquant l'architecture du XVIIème siècle et du début du XVIIIème siècle. Plus tard, une étude de l'édifice, relativement connue, de Du Seigneur a été publiée dans La Construction Moderne, du 8 au 22 mai 1886[1]. Ces deux documents analysant déjà dans le détail la réalisation, je me limiterai à porter quelques observations rapides résumant le second texte qui vient d'être cité.

[1] L'une des planches a été republiée dans l'ouvrage suivant, entre autres : Pérouse de Montclos, Histoire de l'architecture française, De la Renaissance à la Révolution, Paris, Mengès et éditions du Patrimoine, 2003, p.233

L'article de la Construction Moderne évoquant l'hôtel de Beauvais, publié du 8 au 22 mai 1886. Comparer les caves restaurées avec la reconstitution dessinée.

Après avoir indiqué l'objectif de sa démarche (dans le cadre de la sauvegarde du Paris historique) et le choix, par rapport à son importance et aussi un peu par rapport aux impressions personnelles de l'auteur, justifiant d'aborder cet hôtel particulier, l'étude retrace l'histoire de cette résidence, d'abord en évoquant la commanditaire et ses rapports avec la famille royale, puis aborde les bâtiments qui la précédaient.

L'une de ces constructions appartenait aux abbés de Chaalis (monastère situé près de Senlis), et il en subsiste encore de nombreux éléments au sous-sol. En effet l'architecte a été contraint de jouer avec les fondations de cet édifice. La largeur de celui-ci a paru convenir à l'implantation de commerces au rez-de-chaussée (la commanditaire ayant besoin de revenus réguliers) et les principales pièces (réception et chambre d'apparat) à l'étage (d'après les plans publiés dans L'architecture Française et La Construction Moderne). La reconstitution des caves proposée par la coupe perspective de l'article de Du Seigneur correspond globalement à l'espace qui a été dégagé des rajouts ultérieurs depuis la rénovation de l'édifice.

La façade d'origine dessinée par Marot et publiée dans L'Architecture Française de Blondel, à comparer avec la façade actuelle (voir couverture).

Après un rappel de la biographie de l'architecte de l'édifice (qui a contribué notamment à la réalisation des cascades de Saint-Cloud et à la chapelle janséniste de Port-Royal à Paris), une description de la façade est effectuée. Elle a été remaniée, en perdant certaines parties de son ornementation, notamment les sphinx et les anges couronnant les corniches des fenêtres du premier étage et le fronton du corps central du second niveau, et certaines balustrades, ce qui nuit à sa monumentalité d'origine mais lui donne plus de légèreté. A noter que le dernier étage de l'édifice a été surélevé, et l'apparition des attiques en demi-cercles au dessus des commerces du rez-de-chaussée, qui seront très réemployés dans l'architecture française dans la suite.

La question de la décoration de la porte et des motifs des métopes situés entre les consoles soutenant le balcon du premier étage situé dans la cour a fait couler beaucoup d'encre et suscité plusieurs hypothèses (notamment la représentation des béliers).

L'entrée, la coupe transversale (reconstitution réalisée par Du Seigneur) et la cour de l'hôtel de Beauvais.

L'entrée propose une séquence architecturale permettant une dilatation de l'espace, avec d'abord le passage, puis le porche ouvert sur la cour, évoquant une coupole sans l'être, puis via la perspective accentuée par le jeu des courbes et contre-courbes et les murs obliques suivant en partie les contraintes parcellaires. La chapelle se place au centre de cette composition, ce qui marque l'importance symbolique de cet espace à l'époque. Il s'agit plus d'une composition baroque que classique, mais avant le début de la réelle de fonctions du roi Louis XIV, l'influence italienne était considérable. Il est intéressant de noter que la superposition des ordres (dorique au rez-de-chaussée, ionique au premier étage, corinthien au dernier niveau) est respectée, même si le premier d'entre eux se borne à orner les colonnes du porche, les bossages (qui deviendront une autre caractéristique de l'architecture française au XVIIème et XVIIIème siècles) étant préférés pour décorer la cour.

Le grand escalier et l'escalier d'accès à la chapelle de l'hôtel de Beauvais.

En ce qui concerne le grand escalier, celui ci se constitue de volées droites entourant un vide central, mais celles-ci sont soutenues par des colonnes. L'ornementation maniériste, très soignée, semble orienter le visiteur dans son ascension par sa disposition. Le travail de stéréotomie est plus intéressant dans le petit escalier menant à la chapelle, avec ses marches qui sont calibrées et agrafées dans le mur.

Plans du sous-sol (étude de Du Seigneur), du rez-de-chaussée et du premier étage (relevés de L'Architecture Française de Blondel).

La qualité et les particularités du plan de l'ensemble est résumée par Blondel : "Cet édifice, élevé dans un terrain irrégulier, nous offre néanmoins une distribution assez régulière et qui, tout ensemble, a deux objets, la magnificence et l'utilité, le premier, en ce que tout le rez-de-chaussée du côté de la cour est destiné aux dépendances d'une maison regardée comme très importante pour le temps où elle a été bâtie, le second, parce que, pour joindre à ce bâtiment des revenus, du côté de la rue Saint-Antoine, on a pratiqué des boutiques qui n'ont aucune communication avec le grand corps de logis.(...) La décoration des bâtiments de cette cour est un peu trop tourmentée; c'est le seul reproche qu'on puisse faire à le Pautre qui dans toutes ses productions a regardé le mouvement et la variété dans les plans comme une beauté satisfaisante." (allusion au caractère baroque plus que classique de la cour).

Malheureusement, comme le rappelle l'article, les changements de propriétaires et surtout la subdivision de l'hôtel particulier en appartements et ateliers ont fait disparaître l'agencement et le décor d'origine des salles des étages. L'immeuble a fait l'objet en 2004 d'une vaste campagne de restauration. La cour et l'escalier principal sont accessibles au public durant les jours de semaine, mais la visite de la majorité des espaces intérieurs intéressants s'effectue durant les journées du Patrimoine.

Sources :

- Article et planches : Du Seigneur, "L'hôtel de Beauvais", La Construction Moderne, 8 au 22 mai 1886 (tiré de http://portaildocumentaire.citechaillot.fr/ClientBookline/toolkit/p_requests/formulaire.asp?GRILLE=CARHNUMEROSNUMERISESMULTI&INSTANCE=incipio&OUTPUT=PORTAL&SYNCMENU=BASE_REVUE_NUMERISEE , comme la majorité des autres extraits d'articles de périodiques anciens)

- Blondel, L'Architecture Française ou Recueil des plans, élévations, coupes et profils des églises, maisons royales, palais, hôtels et édifices les plus considérables de Paris..., Paris, Charles-Antoine Jombert, 1752, tome II, p.121-123 et pl.235-237, tiré de http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k108034x.r=%22hotel+de+beauvais%22.langFR

- Photographies : réalisation personnelle